L’antibiotique (du grec anti : contre et bios : vie) est une molécule élaborée à partir de produits de synthèse ou d’un micro-organisme initialement découvert chez les champignons, pour se défendre contre les bactéries. Depuis sa découverte dans les années 1930, l’antibiotique a révolutionné la médecine moderne en diminuant fortement la mortalité par infections bactériennes.
Un peu d’histoire
C’est la pénicilline qui guérit les hommes, mais c’est le bon vin qui les rend heureux.
Alexander Fleming
Alexander Fleming, auteur de cette citation non dénuée d’humour, est celui qui fit découvrir au monde le premier antibiotique au monde : la pénicilline. Médecin, biologiste et pharmacologue britannique, il constata en 1928 l’action « anti biologique » d’un champignon appelé Penicillium qui, par accident, détruisit l’une de ces cultures de bactéries. Cette avancée donna naissance à la pénicilline, massivement utilisée pendant la seconde guerre mondiale.
Alexander n’était pas à l’origine de cette découverte. 32 ans avant la création de la pénicilline, Ernest Duchesne, médecin français, avait déjà noté que certaines moisissures pouvaient neutraliser la prolifération de bactéries. Malheureusement pour lui (et pour la France), il n’avait pas compris et/ou fait comprendre l’intérêt médical de cette découverte.
Première cause de mortalité en 1940, les maladies bactériennes ne sont aujourd’hui responsables que d’un faible pourcentage de décès dans le monde (mais rien n’est acquis, vous le verrez plus tard).
Une barrière contre les infections bactériennes
Bactériostatiques VS bactéricides
Certains antibiotiques sont dits bactériostatiques, c’est à dire qu’ils freinent la croissance et la reproduction des bactéries. C’est sa concentration minimale requise pour inhiber, in vitro, la croissance d’une souche bactérienne qui déterminera l’effet bactériostatique. Le petit frère de l’antibiotique bactériostatique est appelé bactéricide, c’est-à-dire capable de tuer les bactéries (et dans l’idéal les bactéries pathogènes responsables de l’infection). Il faut savoir qu’un antibiotique peut être à la fois bactéricide et bactériostatique, tout dépendant du dosage.
Une histoire de spectre
2 types d’antibiotiques cohabitent mais leurs objectifs sont légèrement différents selon si on se trouve dans le premier ou le second type. Je vous présente, tout d’abord, les antibiotiques dits à large spectre qui, comme son nom l’indique, ont pour rôle d’éliminer une grande variété de bactéries. Le revers de la médaille : ces traitements tuent non seulement les bactéries pathogènes (ce qui est bien) mais également, par collision, celles « bénéfiques » pour notre organisme. Conséquence : un déséquilibre temporaire de la flore bactérienne digestive apparait pendant le traitement causant des troubles quelque peu gênants comme des nausées, vomissements ou diarrhées.
Deuxième type d’antibiotiques, ceux « à spectre étroit ». Ils détruisent les bactéries, comme leurs petits frères, mais cette fois-ci un groupe ou type limités d’entres-elles. D’après la Haute Autorité de Santé française, il est préférable d’utiliser des antibiotiques à spectre le plus étroit possible quand la bactérie responsable de l’infection est clairement identifiée car plus efficace et présentant moins de risques pour les bactéries bénéfiques pour l’organisme. Encore fait-il cibler la « mauvaise » bactérie à éliminer et ne pas taper à côté. Pour cela, une technique de laboratoire suivant les recommandations du Comité d’Experts de la Standardisation biologique de l’OMS (rapports techniques n° 610, 1977) a été mise en place pour définir le ou les antibiotiques efficaces pour traiter l’infection : l’antibiogramme.
Et les infections virales dans tout ça ?
Soyons clair, les antibiotiques n’ont aucun effet sur les infections virales. Pire encore, ils risquent de favoriser l’apparition de résistances bactériennes à ces traitements. Pourtant, à y voir de l’extérieur, les malades exposés aux infections virales (grippe, rhume…) et bactériennes (pneumonie, cystite…) présentent (souvent) les mêmes symptômes. Le traitement, lui, doit être différent.
Si le virus vous gagne, sachez que, généralement, la guérison survient sans traitement médicamenteux au bout de 1 à 2 semaines. Le système immunitaire combat le plus souvent le virus, le paracétamol restant souvent le premier choix pour atténuer la douleur ou la fièvre. La consultation d’un médecin est, bien entendu, fortement conseillé si les symptômes persistent ou s’aggravent.
Surconsommation et résistance bactérienne
« L’efficacité des antibiotiques est l’un des piliers de notre santé […] Si nous ne prenons pas des mesures significatives […] nous allons perdre petit à petit ces biens pour la santé publique mondiale, et les conséquences seront dévastatrices. »
Dr Keiji Fukuda,
Sous-Directeur général de l’OMS,
30 avril 2014
Selon une étude publiée en mars 2018 dans le journal de l’Académie des sciences américaine (PNAS), la consommation mondiale d’antibiotiques a augmenté de 65% en 15 ans, entre 2000 et 2015. Elle aurait doublé en Inde, augmenté de 79% en Chine et 65% au Pakistan. La prescription des antibiotiques est devenu un acte banalisé, donnant le pouvoir aux médecins de ville de prescrire un traitement pour guérir des infections virales. Selon le groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques (ministère de la santé français), 30 à 40% des prescriptions d’antibiotiques seraient inutiles aujourd’hui.
Derrière ces chiffres, de vraies questions se posent aujourd’hui sur l’efficacité des antibiotiques. Toujours selon le même groupe de travail mandaté par le ministère français de la santé, aucun nouvel antibiotique avec un nouveau mécanisme d’action n’a été développé depuis 20 ans. La prescription à excès des antibiotiques, la demande croissante mondiale et l’utilisation de molécules vieillissantes composant les antibiotiques d’aujourd’hui développent une résistance des bactéries pathogènes rendant difficile le soin de certaines infections.
Ce problème a été pris très au sérieux par l’Organisation Mondiale de la Santé qui a déclaré en 2017 que « l’antibiorésistance était l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale ». Malheureusement, si la communauté internationale ne réagit pas au problème de l’antibiorésistance, 10 millions de vies seraient en péril d’ici à 2050.
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, des groupes de réflexion se sont créés pour trouver des pistes sérieuses à la préservation de l’efficacité des antibiotiques. De vastes campagnes de sensibilisation ont également été lancées par plusieurs gouvernements pour faire réduire les prescriptions d’antibiotiques. En France, deux campagnes de sensibilisation ont été diffusées dans tous les médias en 2002 et 2007, avec des slogans inédits qui résonnent encore dans les têtes françaises « Les antibiotiques c’est pas automatique » et « les antibiotiques, si on les utilise à tort, ils deviendront moins forts« . La première avait notamment permis une réduction de 15% de la consommation d’antibiotiques en France.
Selon l’assurance maladie française, deux mesures doivent être respectées pour lutter contre l’apparition de résistances bactériennes : prévenir les infections et mieux utiliser les antibiotiques. Ca reste du bon sens, encore faut-il qu’il soit universel.
Sources :
- solidarites-sante.gouv.fr (les antibiotiques sauvent des vies)
- https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-antibiotique-2992/
- solidarites-sante.gouv.fr (Propositions du groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques)
- pnas.org (Global increase and geographic convergence in antibiotic consumption between 2000 and 2015)
- nhs.uk (antibiotics – overview)
- medicalnewstoday.com (What to know about antibiotics)
- pasteur.fr (Antibiotics: when bacteria fight back)
- cdc.gov (Antibiotic Use Questions and Answers)
- who.int (Antibiotic resistance)